Design exhibition
Exhibition at the Rome Museum of Contemporary Art
08 Dec 2019 - Rome
Je me souviens de cette femme. Je l’avais vue à l’Agora de la danse de Montréal. Une robe bleu électrique, le visage abaissé couvert par ses longs cheveux, les épaules sorties, les bras écar-tés du corps et les poings ramenés vers les hanches, comme un animal qui veut paraître impo-sant, et qui cherche, apeuré dans l’obscurité, un prédateur invisible.
À la fin de l’été, j’ai pris le train pour Rome pour préparer la scénographie. J’avais repéré un marché couvert de Nomentano sur Google Maps. Peut-être allais-je y trouver quelques objets pour composer la scénographie. Longeant la via Nizza, presque arrivé à l’entrée principale du Musée, mon œil a tout de suite été attiré par une petite rue perpendiculaire, pavée et débordante de voitures et de motorinos stationnés. En perspective on peut voir une grande arche en pierre flanquée d’imposants escaliers qui cache la façade d’une majestueuse villa néo-classique au fronton surbaissé. Sous l’arche, je devinais la sculpture d’un corps allongé de côté et au tronc redressé.
Le bâtiment du Musée m’a tout de suite déplu. Extension d’une ancienne fabrique, conçue par l’architecte française Odile Decq. Cette cage de verre, encaissée dans l’ancienne façade de pierre et de crépis, enferme un large atrium traversé par des passerelles métalliques. Au centre, une boîte rouge contraste avec la dominante noir-grise des matériaux. Les salles d’exposition y sont toutes plus communes les unes que les autres, à l’exception d’un hall très vaste, d’un corridor de service et d’une toute petite pièce peinte en noire.
Cette petite pièce à débarras, c’est la Black Room. Seul endroit de quiétude dans ce bâtiment anxiogène. Elle fait quinze mètres sur quatre mètres environ. Sa forme irrégulière fait en sorte que lorsqu’on y entre, on a l’impression qu’elle se scinde en deux très petits volumes. Un plutôt carré fait face à la porte. L’autre plutôt allongé se découvre lors qu’une fois entrée, on se retourne presque entièrement sur la gauche. La peinture noire défraîchie peine à couvrir quelques boîtes électriques et les bouches de ventilation installées çà et là.
Pour la scénographie, j’avais repéré dans le quartier une palette de chargement de deux mètres et demi de long accotée depuis quelques jours près de l’arche en pierre, un pan de miroir rectangulaire tout juste sortie d’un appartement en rénovation, vingt tuiles de terrazzo déposées près d’une benne devant la Villa Albani, et deux parties d’une chaise en bois laissée à l’entrée du Musée. Pour compléter, un couple d’antiquaires de la via Nizza m’a loué une porte-miroir et deux chaises en cuire rembourré de couleur bordeaux, et j’ai laissé l’escabeau du Musée que j’avais utilisé pour obscurcir les lumières encastrées du plafond.
On entre dans une pièce sombre qui ressemble à un petit dépôt technique. Un miroir au sol attire notre attention. Dans son reflet, on découvre le corps d’une femme allongée. Elle porte une robe bleu électrique. Ses cheveux cachent son visage. Dans l’obscurité, on devine deux chaises comme projetées sur le mur, mais figées dans le mouvement. On se retourne. La femme semble elle aussi figée. Il y a de la musique. Elvis nous demande « Are you lonesome tonight? »
Shin Alexandre Koseki
Jocelyne Montpetit at the Rome Museum of Contempoary Art in an installation by Shin Alexandre Koseki
Inhabiting the body/Inhabiting the place: « Are you lonesome tonight? » December 10 to 18, 2020 MACRO ASILO, Black Room